La
lettre de la SFO
Section Française de l'Observatoire International du Référendum au Sahara occidental n° 2 - janvier 2000 |
Voilà plus d'un an, 7 décembre
1998, nous lancions un appel dans "Le Monde" en faveur de la tenue libre,
régulière du référendum d'autodétermination au Sahara occidental. Au cours de cette année, le comité de pilotage de la SFO a beaucoup travaillé, multipliant courriers et contacts pour favoriser la tenue des échéances et trouver auprès des élus, juristes, personnalités, les futurs observateurs. Cette année a été également riche en rebondissements politiques au Maghreb dont il nous faut bien sûr tenir compte. Cependant, l'annonce par M. Kofi Annan d'un plus que probable nouveau report du référendum nous préoccupe vivement. Comment, en effet, accepter qu'une population en guerre, en exil, séparée depuis près de 25 ans, doive encore attendre plusieurs années la tenue d'un hypothétique référendum. Le Maroc, si attentif aujourd'hui à tourner les pages des années de plomb, doit s'engager résolument dans la voie de la démocratie et de la paix en cette année 2000 et tout faire pour que les Sahraouis puissent librement s'exprimer ! |
Le
point sur la situation au Sahara occidental |
Depuis
quelques mois, sous la pression de divers événements, la situation au Maghreb connaît une
accélération de son histoire qui pourrait être, si elle est comprise
et saisie, une chance pour l'avenir des Peuples du Nord-Ouest Africain. Les frémissements démocratiques auxquels on assiste, tant au Maroc qu'en Algérie, constituent des premiers pas encourageants susceptibles de favoriser le retour à la concorde et à la paix dans une région troublée. Bien que nécessaires, ils ne seront pas suffisants car le rétablissement de la paix dans la région dépend étroitement du règlement de la question du Sahara occidental et en particulier de la libre détermination des votants sahraouis inscrits par la MINURSO sur les listes électorales, à la suite d'un long processus d'identification reposant sur des critères sérieux et précis. Alors que le travail accompli par les Nations Unies permettait le respect des échéances, on observe d'une part, des tentatives de confusion, de brouillage en direction des instances internationales (explosion des recours, pressions pour l'inscription massive de personnes non originaires du Sahara occidental, en violation des Accords de Houston) et d'autre part, des opérations particulièrement violentes d'intimidation en direction des populations sahraouies (apparition de milices armées, organisées par les populations non sahraouies venues s'installer dans le territoire depuis la marche verte). Afin d'éviter la répétition des drames auxquels on a assisté ces dernières années, chaque fois que la loi du plus fort a tenté de s'imposer (Bosnie, Kosovo, Timor, etc.), la Communauté Internationale doit prendre enfin ses responsabilités en conformité avec les décisions de l'Assemblée Générale des Nations Unies (première résolution relative à l'autodétermination des populations du Sahara occidental en 1966) et du Conseil de Sécurité. Deux événements importants intervenus en 1999 sont parfois mis en avant, par certaines chancelleries, pour expliquer le nouveau report du référendum à une date qui devra cette fois être respectée : l'avènement d'un jeune roi au Maroc, les conditions effroyables du référendum au Timor. Si ces faits ne changent rien au problème de fond posé, ils interfèrent d'une manière ou d'une autre dans l'analyse de situation qui peut être faite aujourd'hui. Examinons d'abord l'opération référendaire au Timor car les événements qui l'ont endeuillée ont frappé les opinions publiques. Les tragédies humaines dont elle a été accompagnée autorisent à tirer deux sortes d'enseignements : |
Rien
ni personne ne peut arrêter
un peuple qui aspire à la liberté, au choix et à la gestion de son destin.
Il est prêt à tous les sacrifices pour la conquête de sa dignité. Ce
droit fondamental des peuples ne souffre pas de discussion. La tenue d'un référendum exige la mise en place de moyens importants, réellement dissuasifs, donc totalement indépendants des belligérants. L'arrêt d'un long conflit, par un exercice démocratique inévitablement contesté par la partie occupante, demande que des dispositifs sécuritaires suffisants et sérieusement préparés soient mis en place avant, pendant et encore davantage après la consultation. Le cas du Timor est exemplaire car il s'agit, comme pour le Sahara occidental, d'un abandon par la puissance européenne administrante de ses responsabilités dans la conduite vers l'autodétermination et l'indépendance d'un peuple colonisé. Malgré le temps écoulé - et même si l'occupant n'est plus européen - la décolonisation demeure un droit imprescriptible inscrit dans la mémoire d'un peuple, une liberté à conquérir dont personne ne peut faire l'économie. La Communauté Internationale - et en particulier l'Union Européenne qui a aujourd'hui la lourde responsabilité d'aider à achever le processus de décolonisation qui incombait à l'un de ses membres - doivent tout mettre en œuvre pour d'une part, que seules les populations originaires du Sahara occidental (telles que définies par les Accords de Houston) s'expriment et d'autre part, qu'un dispositif indépendant et dissuasif assure, à titre préventif, la sécurité des populations civiles. A ce propos, il convient également de s'interroger - et de s'indigner - sur l'incapacité de l'organisation des Nations Unies, présente sur le terrain au moment des incidents graves d'El Aïoun, à sécuriser des populations qu'elle a pourtant pour mission de conduire "en bon état" jusqu'au référendum. Le deuxième événement, c'est l'installation sur le trône marocain d'un roi dont les premières décisions ont été accueillies avec sympathie, tant par son peuple que par la Communauté Internationale. Les premiers signes envoyés en direction des zones occupées du Sahara occidental pourraient être positifs, s'ils étaient accompagnés d'un véritable changement de politique. Si un calme précaire a succédé à la répression, aux saccages et aux pillages opérés à l'encontre des populations sahraouies, les milices non sahraouies responsables des attaques n'ont toujours pas été démantelées. Le jeune souverain a sans doute besoin de temps, s'il en a la volonté, pour rompre définitivement avec la désastreuse tentative de conquête du Sahara occidental menée par son père. Il lui faut pour cela se démarquer, de façon crédible, de la stratégie de fuite en avant et d'obstruction systématique qui était celle de l'ancien ministre de l'intérieur du royaume. |
Deux
initiatives pourraient être prises dans cette direction. |
La première serait de renoncer
à la mise en cause du travail effectué par les Nations Unies en matière
d'identification des populations sahraouies devant constituer le corps
électoral. La MINURSO, qui est établie depuis plusieurs années sur
le territoire du Sahara occidental, ne fait qu'appliquer des critères objectifs
et précis acceptés par les parties en conflit lors des Accords de Houston.
Novembre 1999 Annick MISKE-TALBOT |
|
Collectif d'initiatives pour la connaissance du Sahara occidental - janvier 2000